spettar cha la naiv algua

En attendant que la neige fonde
Waiting for the snow to melt

Le 1 mars 2022, je m’installe à la Fondation Nairs à Scuol (Grisons, Suisse) pour une résidence de 3 mois, au lieu-dit «Nairs», site de l’hôtel Kurhaus Tarasp bâti en 1865 et ses dépendances.

Lucide face aux conséquences du changement climatique et de la perte massive de biodiversité et exaspérée par l’incapacité de nos sociétés à amorcer des changements pourtant indispensables, j’avais besoin de prendre un peu de distance. J’étais donc partie avec l’intention de poursuivre, en retrait du quotidien, mes recherches et expérimentations d’une forme d’expression en dialogue avec l’espace.

Mais, dans cet environnement sauvage, minéral et fragile, les hôtels Belle Epoque désertés, les nombreux éboulements et chemins fermés résonnent comme une parfaite métaphore de l’effondrement. La tension et le sentiment d’inconfort qui en ont découlé, renforcé par le début de la guerre en Ukraine qui coïncide avec la début de ma résidence, a déclenché dans mon esprit une grande agitation. Ma présence dans cette région magnifique avait quelque chose de surréaliste et d’illégitime. Je n’ai pu que déambuler, ou dériver, à la recherche d’espace et de silence, tentant de tracer un chemin à travers le chaos.

EN

On 1 March 2022, I moved to the Nairs Foundation in Scuol (Graubünden, Switzerland) for a 3-month residency on the site of the 1865 Kurhaus Tarasp hotel and its outbuildings.

Lucid about the consequences of climate change and the massive loss of biodiversity, and exasperated by our societies’ inability to initiate the changes that are so essential, I needed to get away from it all for a while. So I set off with the intention of continuing my research and experimentation into a form of expression in dialogue with space, away from the everyday.

But in this wild, mineral and fragile environment, the deserted Belle Epoque hotels, the numerous landslides and closed paths sound like a perfect metaphor for collapse. The resulting tension and sense of discomfort, heightened by the start of the war in Ukraine which coincided with the beginning of my residency, set off a great stir in my mind. There was something surreal and illegitimate about my presence in this magnificent region. I could only stroll, or drift, in search of space and silence, trying to make my way through the chaos.

Tirage de tête sur porcelaine au format 11,5x16cm.

Avec cet objet imprimé, je tente de restituer quelque chose de l’espace-temps de cette résidence, de l’expérience de la déambulation et de l’inquiétude qui m’habite. Dans un assemblage qui révèle notre vulnérabilité dans un monde fragile à l’équilibre toujours plus précaire, mes photographies côtoient des images récoltées dans divers médias au fil du séjour. Une tentative également d’appréhender l’espace et le temps à différentes échelles, par la production d’associations et de situations, par des liens incertains et singuliers, stratifications, raccourcis et détours, créant une certaine dispersion, ou désorientation, propice à la dérive de l’imagination.

EN

With this printed object, I’m trying to capture something of the time and space of this residency, the experience of strolling around and the anxiety that inhabits me. In an assemblage that reveals our vulnerability in a fragile world with an increasingly precarious equilibrium, my photographs join images gathered from various media over the course of my stay. It’s also an attempt to apprehend space and time on different scales, through the production of associations and situations, through uncertain and singular links, stratifications, shortcuts and detours, creating a certain dispersion, or disorientation, conducive to the drifting of the imagination.

Edition originale imprimée en 100 exemplaires, reliure copte à la main. Jaquette; 38 pages; 2 leporellos.
Format 16 x 11,5 cm.

Vingt-cinq exemplaires sont accompagnés d’un tirage de tête sur porcelaine, au format; numéroté et signé.

EN
Twenty-five copies are accompanied by a numbered and signed first part edition on porcelain.

© 2022 Séverine Emery-Jaquier

Montages photographiques; collage; mots; dessin.
Les photographies ont été réalisées dans la vallée de la Basse-Engadine, à l’exception de deux images à Davos et une à Zuoz.

Quatre langues apparaissent au fil des pages. En titre, le romanche, 4ème langue nationale suisse parlée dans cette région. Puis, alternativement l’anglais, l’allemand et le français, que j’ai parlé durant mon séjour.

Mes remerciements à Patrick Le Bescont, Filigranes Editions (Rencontre de la photographie, Arles, Workshop «Concevoir et réaliser un livre», septembre 2022).

Val Uina, tirages photographiques sur papier.